Fêtes des travailleurs : 1er mai 1890, 1er mai 2024, même combat, l’on ne peut plus ignorer la question sociale !

L’histoire du 1er mai a commencé à une époque où si l’esclavage n’existait plus dans nos pays dits industriels, la précarité du travail restait totale.

C’est aux Etats-Unis, en 1886, plus précisément en Pennsylvanie et dans l’état de New-York, que chaque 1er mai avait lieu un bouleversement général de la classe ouvrière du fait du renouvellement des contrats de travail pour une durée de un an.

C’est ainsi que le terme des contrats de location des maisons et appartements étaient également renouvelés.

En fait, c’était une remise en cause des conditions de vie de toutes les familles à la même date.

Et c’est en 1884 que les syndicats américains décidèrent d’imposer par la grève qu’à partir du 1er mai 1886 la durée d’une journée de travail serait de huit heures.

En ce samedi 1er mai 1886 des centaines de milliers d’ouvriers défilèrent dans tout le pays pour cette seule revendication.

A Chicago, quelques quarante mille ouvriers sont en grève.

Le 3 mai un affrontement oppose les briseurs de grève aux grévistes d’une usine de matériel agricole et fait malheureusement 4 morts.

Un meeting est organisé le lendemain.

Alors que les derniers manifestants se dispersent, une bombe éclate. Des dirigeants anarchistes de Chicago seront arrêtés et condamnés à mort.

Dès 1889, lors d’un congrès ouvrier, est déclaré qu’il sera organisé une grande manifestation internationale à date fixe, de manière que, dans tous les pays et dans toutes les villes, le jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail.

Cette date ce fut le 1er mai. Une date symbole. Le 1er mai 1891 est organisé un mouvement d’une très grande ampleur, notamment en France. Mouvement malheureusement tragique puisque ce sera le massacre de Fourmies où les grévistes et leurs familles seront fusillés par la troupe.

FOURMIES, un peu d’histoire

Après la répression sanglante de la Commune de Paris en mai 1871, le mouvement ouvrier est regardé avec crainte.

La crise économique, la « grande dépression » de 1873 à 1896 accroît encore les inquiétudes d’une société majoritairement rurale en pleine mutation et crée les conditions de l’implantation des idées socialistes et de l’essor du syndicalisme dont l’existence est reconnue par la loi de 1884.

À la fin des années 1880, les syndicats et socialistes américains et européens définissent une revendication commune, la « journée de huit heures » (au lieu des dix à douze heures quotidiennes qui étaient la norme) et appellent à une démonstration de force, le 1er mai 1890. En France, ce 1er mai 1890 est d’autant plus suivi qu’il permet aussi de critiquer la politique conservatrice d’une République qui déçoit, car elle refuse de prendre en compte la question sociale.

L’appel à la mobilisation est renouvelé le 1er mai 1891.

À Fourmies, en cette veille du 1er mai 1891, le patronat, inquiet, prend les devants et placarde une affiche signée par 36 des 37 chefs d’entreprise de la ville. Affirmant que « nulle part les ouvriers n’ont été mieux traités ni mieux rétribués », ils écrivent : « on travaillera le 1er mai comme tous les autres jours ; tout mouvement contraire sera sévèrement réprimé ». C’est donc dans un climat effervescent que débute la journée, dont la plupart des habitants espèrent surtout qu’elle s’achèvera par un grand bal populaire car le 1er mai est aussi la fête des amoureux et du printemps.

Dès l’aube, les grévistes tentent de bloquer les entrées d’usine, poursuivis par les gendarmes qui multiplient les arrestations. « C’est nos hommes qu’il nous faut » devient le slogan de la foule qui s’attroupe aux abords de la mairie. Après de nouvelles échauffourées, en grande partie provoquées par l’attitude agressive de la gendarmerie, les soldats équipés des nouveaux fusils Lebel, commandés pour une armée en pleine reconstruction après la défaite de 1870, reçoivent l’ordre d’ouvrir le feu, d’abord en l’air, puis sur la foule. On dénombrera neuf morts et trente-cinq blessés.

Le 4 mai, les funérailles des victimes s’accompagnent d’un important cortège populaire, sous la surveillance d’un formidable déploiement de troupes. Par crainte des débordements, les pouvoirs publics maintiennent tout au long de l’année un important dispositif militaire et policier. Le patronat local en profite pour lancer une vigoureuse contre-offensive. Ceux qui avaient tenté de relancer la grève sont licenciés, exclus des usines des environs. De plus en plus isolés, les derniers opposants sont obligés de signer, en décembre 1891, une lettre de soumission par laquelle « ils répudient (…) les agissements de personnalités la plupart du temps étrangères au pays ». Il n’y a plus de syndicat ouvrier à Fourmies.

Cet événement marque un tournant dans la « question sociale ». Déjà sensibilisés par Germinal de Zola publié en 1886, les bourgeois, soutiens du régime républicain, comprennent qu’ils ne peuvent plus ignorer les problèmes économiques et sociaux. « Il y a quelque part, sur le pavé de Fourmies, une tache de sang innocent qu’il faut laver à tout prix » explique Georges Clemenceau, qui siège alors à gauche et réclame un tournant social : « le fait capital de la politique actuelle, c’est l’inévitable révolution qui se prépare, c’est l’organisation de ce quatrième État » que forme désormais la classe ouvrière, prévient-il, tandis que la Chambre des Députés accueille un nouvel élu, le socialiste Paul Lafargue, tout juste libéré de prison qui avait été condamné pour avoir « provoqué à l’émeute ».

Au-delà du drame, la fusillade de Fourmies marque bien une prise de conscience, renforcée par d’autres grèves importantes telles Decazeville et Carmaux : la République ne peut plus ignorer la question sociale et les revendications ouvrières.

Depuis, le 1er mai accompagne chaque année le mouvement général du progrès social et des conquêtes ouvrières.

Quand la journée de revendication, la fête des travailleurs devint « fête du travail »

Au fil des années, le retentissement fut tel que les régimes totalitaires voulurent s’emparer du symbole.

Le régime de Vichy enveloppa le sang et la lutte associés au 1er mai dans les drapeaux, de ce que le Maréchal Pétain appellera « la fête nationale du travail ».

En effet le Maréchal ne pouvait tolérer les manifestations d’indépendance. Au lieu de faire tirer sur les défilés syndicaux, il transforma par la loi la lutte en réjouissances insipides.

La devise de Pétain était: « Travail, Famille, Patrie ». C’est le 1er mai 1941 que cette journée a été ravalée au rang d’une distraction.

Le même jour, le Maréchal exposait les principes de la charte de travail, qui emprisonne les relations sociales dans un corporatisme à la française. L’année précédente, le 16 août 1940, le gouvernement de collaboration publiait une loi interdisant les confédérations syndicales. Il fallait que les intérêts particuliers des classes sociales ne puissent s’exprimer.

En 1937, l’État accordait un jour férié, de fait les fonctionnaires n’auraient plus à faire grève pour manifester le 1er mai. Déjà le 1er mai 1921 était déclaré par l’Action française, ennemis du syndicalisme, les prémices de la cogestion telle que pratiquée aujourd’hui chez nos voisins allemands. Vingt ans plus tard, sous l’œil attentif de l’armée allemande, la Charte du Travail établit un système de corporations ouvrières et patronales intégrées au sein même de Vichy.

Jaurès et ses idéaux

A la fin du 19ème siècle et début du 20ème siècle Jean Jaurès s’engagea à bras le corps, la réduction du temps de travail fut l’un de ses combats majeurs.

« Depuis que le principe de la journée de huit heures a été proclamé par les socialistes, depuis qu’ils ont réclamé le droit pour tout homme de vivre un peu la vie de famille et de respirer, depuis que la journée de huit heures est devenue le mot d’ordre de manifestations simultanées, pacifiques et imposantes dans le monde entier, les esprits ont été avertis, ils ont été mis en éveil ».

Le 1er mai jour férié, est avant tout la fête des travailleurs et non du travail.

Le 1er mai est un jour de commémoration à l’égard des travailleurs qui ont versé leur sang, perdu la vie pour obtenir des droits.

Le 1er mai est une journée de revendications et de solidarité internationale.

crédit photo : à qui de droit

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